Vigneron de l'année 2026 à Bordeaux, Nicolas Audebert du Château Rauzan-Ségla

Le domaine voit le jour en 1661 lorsque Pierre Desmezures de Rauzan acquiert la maison noble de Gassies et y développe un vignoble qui deviendra l’un des plus réputés du Médoc. Vers le milieu du siècle suivant, un autre M. de Rauzan, impatient de vendre son vin, fait charger ses barriques sur un navire marchand qu’il transforme en chai navigant, avant de l’ancrer sur la Tamise près de la Tour de Londres. Il adresse des échantillons au Tout-Londres de l’époque. Il obtient un joli succès d’estime, mais peu de commandes, du moins pas au prix qu’il en attend. Il va alors user d’un stratagème connu des camelots depuis l’antiquité romaine : quand suffisamment d’acheteurs sont rassemblés devant le bateau, il ordonne aux marins de vider une barrique dans la Tamise, puis une deuxième et une troisième, en montant à chaque fois le prix de vente du reste en proportion de la perte. À la quatrième barrique, les mains se lèvent…
En 1763, le domaine est scindé en deux pour des raisons successorales : naît alors Rauzan-Gassies. Rauzan devenant Rauzan-Ségla en 1816 avec l’arrivée à sa tête de Catherine de Rauzan, baronne de Ségla. Une scission qui n’affectera en rien la qualité des vins puisqu’en 1855 les deux crus sont cités juste après Mouton dans le classement impérial.
Les coups de coeur du Guide Hachette des vins 2026:
CHÂTEAU RAUZAN-SÉGLA 2022 • 2e cru clas. -Margaux - rouge
En 1903, Frédéric Cruse, membre de la célèbre famille de négociants bordelais, en devient propriétaire et fait édifier l’actuel château, dans le style Louis XIII. Acheté plus tard par les Holt, armateurs britanniques, le cru connaît un passage à vide dans les années 1960 et 1970. Le grand tournant arrive en 1994, quand la famille Wertheimer, propriétaire de la maison Chanel, en reprend la tête. Sous la direction de John Kolasa, le cru bénéficie alors des investissements, tant à la vigne et au chai, qui lui permettent d’exprimer pleinement les potentialités de son beau terroir de graves fines et profondes. Une mosaïque de 70 ha aujourd'hui qui confère beaucoup de délicatesse au vin : un margaux d’un grand classicisme, alliant force, densité et élégance, avec un penchant certain pour ce dernier trait de caractère.
C’est Nicolas Audebert qui en est le garant aujourd’hui. Formé à « l’agro » de Montpellier, il a débuté sa carrière dans un autre groupe de luxe, LVMH, entre la Champagne (Krug) et l’Argentine (Cheval des Andes), avant de prendre en main, en 2014, la destinée de Rauzan-Ségla donc, mais aussi de Canon et Berliquet à Saint-Émilion, ainsi que le Domaine de l’Île à Porquerolles. De la Champagne à l’Argentine, du Médoc au Libournais, de l’Atlantique à la Méditerranée : l’homme semble aimer naviguer d’une rive à l’autre.